By Barbara

New York sans eux

Bonjour

Bienvenue dans ce troisième et nouveau récit de voyage.

Toujours sur New York, mais cette fois-ci, c’est au sud de Manhattan, et plus exactement dans le quartier du Financial District, que la visite se poursuit.
Pour parvenir à ce quartier, il y a plusieurs possibilités, mais la gare de l’Oculus reste l’une des meilleures pour y arriver directement.

L’entrée de la station est facilement identifiable grâce à sa structure architecturale audacieuse et contemporaine à la fois, composée de plusieurs milliers de tonnes d’acier. La gare Oculus s’étend sur trois étages : 11 lignes de métro connectées à un réseau de trains de banlieue en direction du New Jersey, auquel s’ajoutent une galerie commerciale et divers lieux dédiés à une pause-repas.
Projet ambitieux, longtemps décrié pour son coût faramineux et sa lenteur d’exécution, la gare Oculus de New York fut inaugurée en mars 2016. À l’intérieur, le hall, recouvert de marbre blanc et de verrières qui tapissent le plafond de la structure, affiche une taille impressionnante.

Cette gare par laquelle transitent chaque jour des milliers de personnes venant travailler à Manhattan n’est pas seulement un magnifique bâtiment aux formes épurées d’une grande originalité architecturale, elle est aussi le symbole de la renaissance d’un quartier décimé par les attentats de septembre 2001.

En effet, l’ancienne gare, la station « PATH » originelle, construite en même temps que le World Trade Center dans la deuxième moitié des années 1960, avait été en partie détruite lors de l’effondrement des tours jumelles. Érigée pour remplacer cette dernière, l’ouvrage est décrit par l’architecte espagnol Santiago Calatrava comme un oiseau qui s’envolerait des mains d’un enfant.

Certains y voient une colombe et d’autres un phénix s’élevant, dans ce cas, des cendres de Ground Zero, qui se trouve juste à côté de l’Oculus.
Nous sommes donc dans le quartier financier, à Wall Street. Le quartier autour de Wall Street, avant d’être un centre d’affaires, était le quartier historique de New York qui a vu là naître la ville, à l’époque où elle s’appelait encore Nouvelle-Amsterdam. Originellement, c’étaient des colons hollandais, leur village et leur ferme qui peuplaient les lieux. C’est ici aussi que les premiers immigrés européens furent accueillis.

Les choses ont bien changé depuis. Poumon économique new-yorkais, il n’a cessé de se renouveler, de se transformer, de s’adapter aux chocs et de se relever : crash de Wall Street, attentats du 11/09, ouragan Sandy en octobre 2012.

On retrouve différents points d’intérêt à cet endroit, mais c’est certainement l’ensemble architectural construit à la suite de ce funeste matin du mardi 11 septembre 2001 contre les Twin Towers qui est le plus visité de New York.
Le chaos du 11 septembre 2001 a fait place ensuite à un chantier ambitieux.

Au cours des mois suivants, les agents de récupération ont dégagé environ 1,8 million de tonnes de débris. L’achèvement des travaux de nettoyage, en mai 2002, a soulevé la question de savoir ce qu’il fallait faire de la place. D’une part, elle était considérée comme un mémorial du terrorisme, d’autre part, comme le tombeau des victimes de l’attentat, dont le calme ne devrait pas être perturbé. Finalement, il a été décidé de reconstruire le One World Trade Center.

Destiné à remplacer les tours jumelles, le One World Trade Center a vu la construction de ses bases et de ses fondations débuter en 2006. Haut de 104 étages, ce gratte-ciel est le plus important de New York. À l’intérieur, sont installés des bureaux, un restaurant et les derniers étages, du 100 au 102, abritent l’un des observatoires les plus récents construits dans la ville. La vue spectaculaire à 360° permet de voir jusqu’à 80 km dans toutes les directions : l’Empire State Building, le pont de Brooklyn, la Statue de la Liberté…

Inauguré le 3 novembre 2014, soit 13 ans après le 11/09, le gratte-ciel, magnifique et monumental, culmine à plus de 541 mètres, représente un emblème de résilience pour les New-Yorkais et semble se confondre avec les nuages.
À la moitié de notre séjour, nous avons quitté notre premier hôtel de Times Square pour celui de « The Cloud One ». Choix mûrement réfléchi, car j’appréhendais un peu de ressentir un sentiment de malaise en raison de son emplacement directement lié à cette tragédie qui, plus de vingt ans après et sans l’avoir vécue, me bouleverse encore, nous bouleverse tous.
Finalement, au cœur de cette ville meurtrie, je découvre un lieu paisible et beau, propice au recueillement et à la méditation. Nous sommes en plein cœur de New York, et pourtant, c’est incroyablement silencieux.
Par nos fenêtres d’hôtel, j’assiste à toute une palette d’ambiances différentes et d’émotions.
Pour autant, il est impossible de ne pas penser à toutes ces vies anéanties…

Là où se dressaient jadis les fières tours jumelles du World Trade Center, se trouve, depuis, une esplanade plantée de chênes qui conduit à deux bassins immenses. Leur profondeur, de 10 mètres chacun, a permis de créer des cascades artificielles, qui se remplissent et se vident par intermittence de jour comme de nuit, symbolisant à la fois l’effondrement des deux tours et la mémoire perpétuelle des Américains.
« Reflecting Absence » est le nom de cet endroit qui marque l’empreinte des Twin Towers disparues. Le ruissellement de l’eau sur les parois de granit sombre nous accompagne tandis que nous observons, émus, sur tout le pourtour des bassins, la liste des noms honorant les 2 977 personnes tuées dans les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur le site du World Trade Center, près de Shanksville, Pennsylvanie, et au Pentagone, ainsi que les six personnes tuées dans l’attentat du World Trade Center le 26 février 1993.

Sur certains noms, une fleur s’y trouve et correspond au jour anniversaire de la personne.

La tristesse qui m’empare par moments s’atténue en photographiant ces enfants concentrés à déchiffrer du bout des doigts la signification des lettres, l’innocence de leur regard vient apporter une touche de douceur et de quiétude à ce lieu si particulier.
En ce jour de pluie abondante et incessante, il nous est venu l’idée de visiter le 9/11 Museum. D’autres eurent le même programme que nous… et sincèrement, j’ai trouvé dommage, dans certaines parties, de manquer de tranquillité et d’isolement pour bien assimiler ce que je voyais, tant l’affluence touristique m’empêcha d’avoir une atmosphère plus intimiste, m’obligeant parfois à presser davantage le pas.
Ouvert au public le 21 mai 2014, le musée présente une collection exhaustive et bien documentée de plus de 10 000 objets récupérés dans les décombres, appartenant aux victimes et aux personnes qui ont tenté de les aider après l’attaque. L’exposition propose une chronologie minute par minute de ce qui s’est passé ce jour-là et une réflexion sur la façon dont le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui a été façonné par les attaques contre les tours jumelles.

L’exposition est divisée en trois parties.

La première partie couvre les événements de la journée du 11/09 tels qu’ils se sont déroulés. La deuxième section fournit le contexte historique menant aux attentats, y compris l’attentat à la bombe contre le World Trade Center en 1993. Le troisième et dernier domaine aborde le monde après le 11 septembre, couvrant les conséquences immédiates des attentats.

En visitant le musée, on découvre de nombreux objets symboliques des attentats : piliers en acier des tours jumelles, segment des antennes de télévision et de radio, une partie d’un ascenseur, un casque et un camion de pompiers, et tout un tas d’objets personnels d’hommes et de femmes qui étaient sur les lieux. Badges d’accès au World Trade Center, paire de lunettes, portefeuille, téléphone portable, autant de choses qui nous provoquent une proximité immédiate. Sans oublier la peluche ayant appartenu à la plus jeune victime, qui m’a serré la gorge instantanément. Le dernier objet en date est celui de l’uniforme du soldat qui a tué Oussama ben Laden, le cerveau des attentats.

Dans certaines parties du musée, il est interdit de prendre des photos. Notamment dans l’espace « Memorial Exhibition », une présentation du sol au plafond de 2 983 portraits photographiques avec des écrans tactiles pour lire l’histoire de chacun. Quatre murs de victimes avant que leur vie ne soit écourtée, présentant un véritable échantillon représentatif de l’humanité, âgée de deux ans et demi à 85 ans, de plus de 90 nations. Le fait d’être confronté à tous ces visages provoque évidemment un sentiment vertigineux de l’ampleur du drame.

Et je retiens surtout aussi cette pièce sombre, à l’écart du reste, dans laquelle nous prenons place sur des bancs, nous procurant de fortes émotions en écoutant plusieurs enregistrements laissés par un membre de la famille ou un ami de chaque victime, dont les photos défilent les unes après les autres, évoquant des anecdotes personnelles sur chacun d’eux. Poignant, il n’y a pas d’autre mot.

Honnêtement, je me suis posé la question de la limite du possible ou non à photographier en ce lieu ? C’est donc un court et bien suffisant aperçu que je propose là.

Aussi, je pense très sincèrement qu’aucune photo ne peut rendre justice à un tel endroit, tant la portée émotionnelle sur place est saisissante et se vit de l’intérieur.

Colonnes de la façade de l'une des Tours Jumelles
Le musée du 11 septembre est souterrain. Il a été construit dans les fondations mêmes des deux anciennes tours. Les deux salles principales d’exposition occupent exactement l’emplacement situé sous les bassins.
Ici se dresse la dernière colonne, la dernière pièce d’acier d’une des tours à être retirée du site du World Trade Center le 30 mai 2002, lors d’une cérémonie marquant la fin officielle du déblaiement des débris de Ground Zero. Juste avant son départ, de nombreuses personnes ont laissé des messages et des photographies que l’on retrouve encore intacts dessus.
Cet escalier et un escalator adjacent ont permit à des centaines de personnes de fuir pour sauver leur vie au milieu du chaos. Pour atteindre les escaliers, beaucoup ont dû traverser la place des débris tombant de la tour nord.
Je termine ici avec l’œuvre magistrale de Spencer Finch, un assemblage de 2 983 aquarelles formant un camaïeu de bleu infini, comme pour rappeler la couleur du ciel de ce matin de septembre et des 2 983 vies perdues.

Créée en 2014, cette installation artistique est centrée sur l'idée que ce qu'une personne perçoit comme bleu ne peut pas être le même bleu qu'une autre personne voit et pourtant, nos souvenirs, tout comme notre perception de la couleur, partagent une référence commune.

Elle s’accompagne d’une citation du livre IX de "L'Énéide" du poète romain Virgile : "Aucun jour ne t'effacera de la mémoire du temps", forgée à partir d'acier récupéré du World Trade Center.

Le résultat nous rappelle, je cite : "que les paroles de Virgile ne sont pas seulement une déclaration, elles sont une promesse".
Après un examen plus approfondi, en bas à droite du mur, une plaque indique ceci : "Derrière ce mur reposent les restes de nombreuses personnes qui ont péri sur le site du World Trade Center le 11 septembre 2001".
Pour les plus de trente ans, nous nous souvenons tous d'où nous étions et de ce que nous faisions le 11 septembre 2001. Cette date a marqué un tournant dans l'histoire des États-Unis.

Il est 15 h 33 à Paris lorsque les programmes habituels de télévision s’interrompent pour laisser place à un flash spécial annonçant plusieurs explosions retentissantes à New York, au World Trade Center, évoquant l’hypothèse d’un attentat alors que les premières images des tours jumelles en feu s’affichent à l’écran. À ce moment-là, les deux tours ont déjà été frappées, mais journalistes comme téléspectateurs n’imaginent pas encore l’ampleur inédite de ces attaques.
Se rendre au 9/11 Museum peut sembler oppressant et déplaire pour différentes raisons à certaines personnes. Mais je pense profondément que d'y marquer une minute de silence constitue le meilleur hommage que nous puissions rendre à ces trop nombreuses victimes et héros disparus.
En deux décennies, le temps d'une génération, les attentats djihadistes les plus meurtriers de l’Histoire sont désormais ancrés dans l’histoire politique et la mémoire collective.

La vie et le progrès continuent depuis, et le quartier du Financial District, symbole du capitalisme américain, s'est réinventé, offrant un nouveau visage. De nombreux bureaux se sont transformés en hôtels-résidences, tant et si bien qu’aujourd’hui, on ne vient pas seulement dans le quartier pour y travailler.

La refonte de l’espace du World Trade Center est quasiment achevée. Il manque juste deux gratte-ciels et une salle de spectacle, "The Perelman Performing Arts Center", tout de marbre translucide vêtue, qui doit ouvrir le 15 septembre prochain.

De New York, je garde d'excellents souvenirs, et cet endroit précis est de loin le plus émouvant que j'ai eu à visiter dans ma vie. Avec mon amoureux et mon fils, nous n'oublierons pas nos promenades de jour et ces nuits étincelantes, dans ce calme ambiant qui nous invite, tous autant que nous sommes, à nous souvenir du passé et à remplir d'espoir notre avenir.
To be continued ...

Barbara
© crédits photo By Barbara

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